En plaçant l'action du prochain épisode en Afrique, Capcom flirte avec une réalité très sensible (Darfour, SIDA)… et se voit du coup accusé de racisme par la communauté noire américaine. Simple faux pas culturel, certainement, mais les images, en attendant, parlent.
L'affaire, qui n'a véritablement fait surface qu'hier via des sites populaires tels que Gamespot, agitait pourtant les sous-sols de la sphère jeu vidéo depuis le 11 juillet dernier, date à laquelle une version étendue de la bande-annonce de Resident Evil 5 avait fait son apparition sur les principaux sites de téléchargement. A l'époque, certains joueurs attiraient déjà l'attention sur les tonalités inquiétantes que semblait prendre le titre. "Capcom s'aventure sur un territoire TRES dangereux en plaçant l'action de Resident Evil 5 en Afrique, remarquait un lecteur du magazine Kotaku. Au final, le jeu montrera toujours un blanc en train de décimer des tas de noirs malades, qu'il s'agisse de zombies ou pas, et ce n'est pas quelque chose qui me met franchement à l'aise." Les premières secondes de la bande-annonce, en particulier, s'attachent à présenter le village et ses habitants comme des menaces latentes, un baril de poudre ne demandant qu'à exploser, sur fond apparent de guerre civile. "Le bilan a continué de s'alourdir durant ces longues années pendant lesquelles je me suis battu," confie alors en voix-off Chris Redfield, le héros américain et sur-stéroïdé du jeu.
Des thèmes dangereusement actuels alors que la crise du Darfour, opposant armée, milices alliées et forces rebelles, continue à l'ouest du Soudan. Qualifié de "génocide" il y a encore quelques mois par le gouvernement américain, qui multiplie d'ailleurs les sanctions à l'égard du pays, le conflit aurait d'ores et déjà fait 400.000 morts et forcé le déplacement de deux millions de personnes selon les Nations Unies. Plus glissante encore, selon le magazine américain Village Voice, est la métaphore du sang et de la contamination implicite au concept de zombie. "Soyez mordus, recevez une minuscule goutte de sang dans une plaie ouverte, et vous êtes finis, analyse la journaliste Bonnie Ruberg. Bientôt, vous aussi serez porteur du virus des morts-vivants. Ca ne vous rappelle rien ? On pourrait tout aussi bien parler du SIDA, qui a tué 15 millions d'Africains et en a infecté 25 millions d'autres sur le continent."
Beaucoup de joueurs réfutent les accusations de racisme en rappelant que Resident Evil 5 "n'est qu'un jeu" ou en renversant les rôles, notant que les zombies de la série ont été blancs pendant des années sans que cela n'émeuve personne. Mais la démonstration, selon le site Scrawled in Wax, est fondamentalement fausse. "Ce genre de réponses implique que nous disposons d'un contrôle total sur la manière dont nous réagissons aux images par rapport à notre propre expérience et à des contextes idéologiques et esthétiques, explique le blogueur. Si, par exemple, les Africains n'avaient jamais été représentés comme des sauvages – dans tous les films, du noir et blanc jusqu'à Black Hawk Down – ou si l'Amérique actuelle était une sorte de paradis racial, alors oui, il s'agirait d'un sujet intéressant pour un jeu." Selon le site Microscopiq, la bande-annonce de Resident Evil 5 s'appuie sur "beaucoup de stéréotypes épouvantables" en plus de donner une image "inquiétante" de l'Afrique. "Avec tout ce qui a été fait récemment pour mettre en avant les choses positives initiées sur le continent et vu la situation de besoin dans laquelle se trouvent certaines régions, nous ne pouvons pas nous permettre un tel retour en arrière, affiche le blog. C'est le moment d'humaniser les Africains, pas de les déshumaniser."
Bien sûr, il est peu probable que Capcom puisse être accusé de racisme volontaire, tout comme il y a peu de chances que l'équipe ait cherché, grâce à cette bande-annonce, à engager le débat sur des sujets aussi sensibles. Comme lors de l'incident similaire qu'avait provoqué la sortie de Locoroco en 2006, certains notent ainsi que le Japon dispose d'une vision "totalement différente" de celle des Américains sur ces questions raciales, et que les développeurs nippons "ne comprennent tout simplement pas à quel point ces scénarios peuvent être explosifs." Un scénario qui prend de plus en plus ici l'allure d'un faux pas culturel ; Capcom a d'ailleurs confirmé hier avoir dû modifier l'un de ses derniers titres à la demande du Conseil des relations Islamo-Américaines. "Je comprends bien que Resident Evil 5 se déroule en Afrique, mais l'éditeur ne devrait-il pas faire preuve d'un peu plus de bon sens ?" s'interroge un lecteur du site GamePolitics.
source: overgame